Les presque 10 ans écoulés depuis Black Book, le précédent film de Verhoeven, illustrent-ils la difficulté pour les cinéastes majeurs à trouver des projets qui les intéressent aujourd'hui? Difficile à dire, toujours est-il que le temps écoulé semble avoir aiguisé l'appétit du cinéaste hollandais, qui offre avec ce retour une oeuvre d'une densité thématique folle.
Le producteur Saïd ben Saïd s'est fait désormais une spécialité de proposer des projets européens à des cinéastes ayant œuvré dans un cinéma hollywoodien qui semble ne plus vouloir d'eux : Polanski, Cronenberg, De Palma... Et maintenant Verhoeven. Il a eu du flair en lui proposant cette adaptation d'un livre de Pascal Dijan. Proposition immédiatement acceptée, et on peut deviner ce qui a pu attirer à la fois Isabelle Huppert et le cinéaste dans ce projet qui leur laisse le champ libre pour s'exprimer.
Le résultat est un film dans lequel Verhoeven vient injecter le venin hitchcockien dans la bourgeoisie française (à la manière d'un Chabrol), mais aussi une maîtrise de la narration plutôt héritée de ses années hollywoodiennes. Toutefois c'est la liberté qui est de mise, Verhoeven et ses acteurs ne paraissent jamais enfermés dans cet excellent scénario de thriller (mais pas que). Ce qui est étonnant c'est la liberté avec laquelle le film aborde son sujet, s'autorisant ruptures de ton et changements de genre, du thriller à la comédie pure (notamment dans une scène de dîner d'une ironie jubilatoire).
Cette liberté de traitement épouse à merveille celle de son personnage principal (et de son interprète), qui choisit de ne pas suivre les codes dictés par la société dans laquelle elle évolue, provoquant un choc très intéressant dans son entourage, et chez le spectateur. Verhoeven sait nous choquer, provoquer un certain effarement, sans jamais que son objectif soit de nous assommer, toujours il cherche à susciter chez le spectateur la réflexion sur son propre rapport à ces codes.
En changeant de pays et de cadre, Verhoeven conserve les traits caractéristiques de son œuvre. Une absence totale de manichéisme d'une part, salvatrice. Mais aussi une héroïne refusant de se comporter en victime, comme dans le merveilleux "Black Book", et le virulent "La chair et le Sang".
Le spectateur, tour à tour pris au jeu (le caractère ludique du film est lui aussi salvateur), poussé dans ses derniers retranchements, en sort grandit, et le film l'imprègne durablement.
Je me sens bien seul, vu le succès de l'engin, mais je suis presque complètement passé à travers, moi.
RépondreSupprimerJ'ai trouvé les personnages secondaires falots (Consigny, mais l'actrice est atroce; la mère, ridicule, et son gigolo pareil; les petits cons de la boîte de JV) ou caricaturaux (Efira, là c'est le perso qui est too much), de sorte que la domination de l'héroïne sur tout le monde m'a paru facile. A vaincre sans péril...
D'ailleurs lorsque l'artiste blond se plaint de la jouabilité, elle lui ferme la gueule d'une façon pas du tout convaincante, sans argumentation, au point que le "I love you" du lèche-cul sonne grave faux aussi.
Quant aux "chocs", ben j'en ai pas eu. Ca doit être mon côté brute insensible, j'ai dû avoir un papa tueur en série, étant petit.
Quelques trucs m'ont fait marrer, mais beaucoup m'ont fait lever les yeux au ciel, et mes piaffements de dépit ont même gêné ma voisine.
J'ai quand même apprécié la scène où elle revit la scène de viol en imaginant ce qu'elle aurait dû faire: n'importe qui ayant subi des violences, même verbales, sans réagir assez a pu se reconnaître je pense. Ce ressassement était bien vu, et bien rendu, et contraste avec la légèreté avec laquelle elle évoque l'incident au restau.
Je crois que mon problème, puisqu'apparemment c'est le mien, tient aux dialogues insuffisamment crédibles pour moi, hormis quelques saillies assez drôles, et incongruités sympathiques ("j'ai une chaudière inversée", "j'ai fait du foot",...). Ca plus l'interprétation parfois limite, y compris de la part d'IH (dans la première scène avec sa reum elle est mauvaise, ce que je n'aurais pas cru possible) et Laffitte (DE LA COMEDIE FRANCAISE) et donc d'Anne motherfucking Consigny, ça m'a laissé à la porte de marbre. Je suppose que c'est difficile de contrôler ces deux aspects dans une langue étrangère. Dommage, Black Book m'avait réconcilié avec Paul-Véro.