Inherent Vice, Paul Thomas Anderson, 2015


Le film de Paul Thomas Anderson est superbe pendant à peu près une heure et demie. On se perd dans les méandres de son intrigue fumeuse au gré des connexions logiques étranges et paranoïaques de son personnage principal, sorte d'ancêtre du Big Lebowski des Coen, détective privé défoncé du matin au soir. Le film est par moments hilarant, et offre des moments de mélancolie parfois magiques (la scène de flash-back superbe dans laquelle les deux amants, guidés par un plan foireux fourni par une planche ouija, sortent sous la pluie battante pour toucher de l'herbe).
Le ton du film est quand même triste, PTA filme la fin de l'utopie des années 60, et des personnages qui courent après un passé révolu. L'idée de la dégénérescence parcourt le film comme l'ombre de Charles Manson et sa secte. 


Anderson pense que son talent et celui de ses acteurs vont suffire à garder le spectateur captif malgré l'intrigue volontairement incompréhensible qu'il filme et je me suis laissé embarquer avec un énorme plaisir pendant un temps. Mais le film finit par ennuyer profondément entre les meilleures séquences. Finalement, on se prend à se demander si un producteur casse-couilles ne ferait pas du bien à cet auteur qui semble parfois se désintéresser un peu du spectateur.

Il reste cette ambiance, qui restera longtemps, et des séquences très marquantes, qui valent sans problème le coup d'oeil.

Réalité, Quentin Dupieux, 2015

Alain Chabat prépare sa prochaine carrière dans la chanson avec abnégation

Réalité semble être l'occasion pour Quentin Dupieux de régler leur compte aux films qui l'ont le plus influencé. Le film est traversé par ces influences 80's (Poltergeist, Twin Peaks, les premiers Cronenberg, Lost Highway). 

C'est lorsque Dupieux choisit l'angle de la comédie pour tenter de détourner ces références, voir de les parodier, qu'il crée les meilleures séquences.

Il est bien aidé en ça par la présence de Chabat et Lambert, qui offrent au film leur sens du timing et du flottement dans la meilleure séquence du film, dans laquelle le premier vient présenter au second, producteur, son projet de film. La séquence est entièrement basée sur la manière dont ces personnages interagissent avec l'univers absurde de Dupieux. Le personnage de Lambert alimente continuellement l'absurdité, celui de Chabat la subit sans broncher, tout en douceur et en coolitude. Dupieux fait preuve de maîtrise dans sa gestion du rythme : belle longueur de plans pour mettre en place la séquence puis ellipses une fois une certaine "cohérence" installée.

Ce "Dis-donc, tu dessines très mal" m'a donné un putain de fou rire

Mais le film finit quand même par agacer, car le parti-pris que je décris plus haut n'est pas tenu durant tout le film. Lorsque Dupieux sort de la comédie et cherche à rendre tout ceci inquiétant, vertigineux, il est totalement écrasé par ses maîtres. Tout le monde n'a pas le pouvoir de fascination de Cronenberg ou Lynch...

Le film reste très malin et par moment très surprenant mais laisse un peu indifférent et donne cette impression de vacuité malheureusement récurrente chez Dupieux.