It Follows, David Robert Mitchell, 2014


Qui aurait cru que David, Robert et Michel, les trois quinquagénaires qui honorent de leur présence de 10h du matin à 22h la terrasse du "PMU des super vedettes" (sic), soient fans de John Carpenter et réalisent un hommage aussi appuyé à leur idole?

Dès les premiers plans, nos trois joyeux drilles inscrivent leur film dans la lignée de Big John, avec cette ambiance automnale de suburb américain aux pelouses soignées, et ce mélange de tristesse et d'angoisse qui accompagne une adolescente qui court en short. Quelques notes de synthétiseur, lancinant et mécanique, accompagnent sa course et confirment le pedigree du film : un mal abstrait, qu'on ne voit pas, qui avance inexorablement.

Sans doute échaudés par le pastis, DRM (appelons-les ainsi désormais), choisissent un de ces scénarios quasi infilmables, dont la réussite va dépendre uniquement de la mise en scène : une espèce de MST dont les symptômes se résument à être poursuivi par un être multiforme, qui avance lentement et inexorablement vers vous pour vous tuer. Et il faut dire que la mise en scène répond présente : l'angoisse est permanente, elle imprègne la pellicule et accorde peu de moments de répit, sans aucun artifice de scénario ou presque. 


It Follows est de ces films d'horreur qui génèrent un malaise assez tenace un moment après le film, et c'est déjà beaucoup. Car il trimballe avec lui une "idée de la peur", presque théorique. Malheureusement, les DRM ne sont pas des maîtres de l'horreur, capables comme Carpenter ou Polanski, de créer leur propre  univers, ils se contentent d'imiter leurs aînés, avec un certain savoir-faire mais sans malheureusement leur sens de l'épure. Leur caméra est souvent trop visible, comme s'ils étaient obligés d'affirmer plus fort leur style pour échapper à leurs influences.

Il y a également dans l'ambiance du film, quelque chose d'assez proche du Kyoshi Kurosawa de Kairo. Dans les apparitions tout d'abord, ces êtres en décalage avec l'environnement, qui avancent vers vous en vous fixant. Mais aussi dans le portrait déprimant de la jeunesse, leur côté éteint, leur incapacité à se connecter, à jouir : une ambiance de fin du monde qui, détail intéressant, laisse les parents hors-champ, comme pour isoler ces jeunes dans leur angoisse de la sexualité, thème principal du film.


C'est un paradoxe qui empêche It Follows de remporter totalement mon adhésion : le style est superficiellement trop marqué, et simultanément il manque une idée profonde vraiment personnelle. Et en même temps, comparativement aux autres films d'horreur qui réalisent des cartons au box-office (James Wan), ça parait génial...

Creep, Patrick Brice, 2014



Jolie surprise que ce petit film, que j'ai regardé par hasard en croyant qu'il s'agissait du premier film (homonyme) de Christopher Smith.

Le film se présente d'emblée comme un found-footage : un homme se filme alors qu'il se rend dans les montagnes après avoir accepté un mystérieux job de vidéaste pour une journée. Il fait alors la connaissance de Josef, son employeur, enthousiaste et étrange, qui lui révèle la vraie nature de sa mission. Josef est malade et n'a que quelques mois à vivre. Il souhaite qu'Aaron le filme pour laisser un témoignage à son enfant à naître...


La première force du film est son écriture redoutable : elle maintient le spectateur dans une intrigue minimaliste à l'aide de détails réalistes, et apporte par petites touches de nouvelles facettes du fascinant personnage de Josef, interprété de très belle manière par un certain Mark Duplass. L'acteur occupe le cadre pendant l'écrasante majorité du film et est capable, sans en faire des caisses, de teinter son espèce d'enthousiasme exagéré (il court en permanence et arbore un sourire franc), d'une inquiétante perversité. Le jeu avec le ridicule le rend aussi souvent assez drôle, mais toujours avec un certain malaise.

Le sympathique Josef

C'est avec habileté que le film fait franchir au spectateur plusieurs frontières : de prime abord, le malaise naît surtout de la bizarrerie de la situation. Comme Aaron le vidéaste, on est touché par ce qui arrive à Josef, ce qui lui permet de nous entraîner plus facilement sans des séquences pour le moins étranges : comme celle du bain, qui déplace toute l'attention sur la personnalité de Josef. Est-il seulement un peu original? Troublé par sa mort prochaine? Drogué? Ou complètement cintré?

D'un point de vue de la mise en scène, il est évident que si le procédé du found-footage apporte son lot de frissons, il est toujours difficile de s'y tenir de manière rigoureuse sans faire sortir le spectateur du film à cause de son manque de crédibilité ("Pourquoi filme-t-on ça?"). Ici le film se tire plutôt bien de cette embûche (pas toujours), et créée tout de même quelques beaux plans construits (comme celui de l'affiche).

Il faut souligner aussi la jolie manière qu'a le film de rebondir dans sa dernière partie, et de changer de genre pour en adopter un rarement associé au found-footage : le home-invasion, avec quelques jolies idées.

Pas mal du tout.