Ave César, Joel et Ethan Coen, 2016



Sous ses airs de farce décousue qui donne l'impression de patiner, c'est la mélancolie de ce dernier film des frères Coen qui m'a touché.
Cette tristesse parasite sans cesse les gags les plus burlesques. C'est évident notamment dans la morbidité de cette scène où une monteuse se retrouve presque étranglée par son foulard : c'est à un enterrement que nous convient les Coen, celui du cinéma de l'âge d'or hollywoodien, voire d'une certaine idée du cinéma.

J'ai toujours un faible pour ces films nostalgiques mais lucides, où la moquerie ne s'efface pas devant l'hommage, sans en parasiter la magie (le matinee de Joe Dante, par exemple). La séquence de comédie musicale dans laquelle des matelos gays dansent dans un bar, menés par un toujours excellent Channing Tatum,  en est un bel exemple.



Car s'il s'agit de montrer l'envers du décor de la machinerie hollywoodienne, les Coen parviennent aussi à en réactiver la magie lors des scènes musicales dont la sympathique désuétude suffit à elle seule à provoquer ce sentiment de nostalgie.
C'est cet équilibre fragile, si rare dans les films dits d'époque, souvent en pleine fascination costumée, qui assure la cohérence d'un récit éparpillé. Si on ne le saisit pas, on passe à côté du film.

L'autre piège qu'évite le film c'est celui de s'enfermer dans une époque, et de ne rien dire de celle dans laquelle il est tourné. Le personnage de Josh Brolin dans le film est la projection des frangins, qui nous crient ici leur volonté de continuer à faire des films, malgré la fin annoncée du cinéma en tant qu'art et divertissement populaire à la fois.



C'est donc un film étrange, pas toujours passionnant, pas très aimable, animé d'un faux rythme, peut-être pas le plus "réussi" techniquement des Coen, mais un des plus sympathiques, rarement cynique, et plein de gags sophistiqués, qui agissent souvent à retardement.
Car quand même, certaines scènes sont un régal d'absurdité , comme celle mettant en scène un George Clooney en pleine gueule de bois tentant de décrypter, une pique d'apéro à la main, le langage cryptique des communistes venant de le kidnapper.

Un film à voir et revoir avec à l'esprit, cette idée qu'il cache bien son jeu.