Massacre à la tronçonneuse, Tobe Hooper, 1974


Mon petit doigt m'a dit "Bizarre, t'as pas encore parlé de film d'horreur". Mais tiens mais alors non mais c'est vrai ça. J'adore ça les films d'horreur en plus. 

Alors je commence par un de mes préférés (mon préféré?), j'ai nommé le légendaire Massacre à la Tronçonneuse. J'emploie le terme légendaire à dessein : car le film est précédé d'une sacrée réputation, il est mythique au point que les gens en parlent sans l'avoir vu.
Car s'il y a un film qui m'a surpris, c'est celui-ci. Il m'a mis un vieux coup de marteau à bétail sur la tronche, le con. Car à cause de son titre et de sa réputation, je ne sais pas pourquoi je m'attendais à un truc très gore et très "second degré", cynique, où c'est fun de massacrer des gens parce que de toutes façons, c'est des cons. L'horreur macdo qu'on nous sert souvent quoi.

Hé bien non. Nulle jubilation ou jouissance, nul gore fendard pour détendre l'atmosphère, ni second degré à la Scream pour mettre de la distance. "C'est du brutal", comme on dit dans les tontons flingueurs. 

De quoi ça parle? De jeunes hippies insouciants traversent le Texas à bord d'un minibus. Ils s'aperçoivent bien vite qu'ils sont entrés dans un territoire étrange et malsain dès leur première rencontre avec un auto-stoppeur qui semble en proie à des obsessions morbides. Ils se débarrassent de lui, mais ce n'est que le début... (wikipedia)





Le film est pour moi un pur exploit de mise en scène, qui ne joue sur aucune des facilités du genre horrifique : pas de sursauts de bourrin, pas de surnaturel, très peu de scènes de nuit (une seule même je crois). Tout cela est remplacé par un traitement cohérent et pictural de thèmes potentiellement porteurs d'horreur : notre rapport à la viande, la confrontation entre la bestialité et l'humain, et l'aspect malsain que peut prendre l'isolement total d'une famille plutôt dysfonctionnelle... Tout cela étant parfaitement cohérent avec le cadre dans lequel se déroule le film, créant un territoire d'horreur.

Cette thématique de la viande, du vivant à la pourriture, Hooper l'utilise pour transformer le soleil - astre qui habituellement annonce le soulagement après la nuit - en une entité mauvaise, surplombant les personnages et les inondant de sa chaleur écrasante, créant pourriture et sueur.
Ainsi Hooper parvient à faire puer son film. J'ai rarement vécu ça à ce point. C'est des images, là, sur un écran, mais non : ça daube dans ton salon. Des sons mécaniques, créant un malaise diffus, sont aussi utilisés, comme cette longue scène où un groupe électrogène pétarade continuellement. Sans parler, bien sûr, de la célèbre tronçonneuse que l'on entend plus qu'on ne la voit.



Un autre des atouts de ce film incroyable est le mystère permanent qui règne sur cette famille de fous. Ont-ils toujours été comme ça? Le sont-ils devenus? Pourquoi? Qu'est-ce qui se cache derrière ce rideau en fer? Derrière le masque de Leatherface, le petit dernier? Certains débuts d'explication sont donnés, mais le spectateur n'est pas pris par la main pour qu'on lui explique tout : "Démerde-toi avec ce que je te balance dans la face". Et ça renforce énormément le sentiment d'horreur, mais aussi étrangement, une forme d'empathie, de pitié, envers ces êtres qui repoussent un peu loin la définition que l'on peut donner d'un être humain...

Enfin, il y a une grande montée en puissance de l'aspect presque halluciné du film au fur et à mesure que l'on aborde le point de vue d'une héroïne, jusqu'à un final ahurissant de folie grotesque (masque, danse macabre, ricanements nerveux) qui nous laisse hagards.
C'est aussi dans ce grotesque que se niche une des clés de la réussite du film : les situations pourraient quasiment, filmés différemment, être comiques ( D'ailleurs Hooper le fera dans sa suite, auto-parodique ). Il me semble que ça crée un décalage assez troublant chez le spectateur.

On présente souvent les années 70 comme une sorte d'âge d'or pour le cinéma d'horreur américain. Carpenter, Craven, Hooper, Romero, et un Tom Savini revenu fraîchement du Vietnam s'en donnent à coeur joie. Et ce film en est l'un des fleurons, une expérience tétanisante.

5 commentaires :

  1. Belle critique, il faudra bien que je le voie bordel!

    Vincent pur sang.

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  2. Ce film relève du génie !

    (Commentaire inutile, mais fallait que j'intervienne pour le dire !)

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  3. Tout à fait mon petit Bastien! Il faut pas se priver de dire ce qu'on a sur le coeur. Sinon ça peut faire des remontées d'amour pour des films de merde.

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  4. Et voilà, 2 mois plus tard c'est vu!

    Effectivement, alors que le genre n'est pas ma came, j'ai bien trippé sur celui-là.
    Une des raisons : Hooper PREND LE TEMPS de laisser vivre les personnages, en même temps qu'il fait monter l'angoisse par des situations embarassantes, créant le malaise avec des riens.
    Inversement, la plupart des meurtres sont très rapides (ceux des mecs: un coup, bonne nuit!- glaçant), les filles ayant la faveur de séances de torture (entre autres) psychologique (euh... glaçant aussi). D'ailleurs les tueurs sont tous des mecs.
    Enfin, comme tu dis, beaucoup de choses restent inexpliquées et ça renforce l'effet de sidération, on est bouche bée, perdu, jusqu'à ce final lyrico-comique qui tue tout.
    Pour revenir à ce qui rend les évènements cruellement crédibles, l'intro à base de sons de faits divers, l'ambiance documentaire induite par la caméra mobile (je suis moins sûr de ça déjà) mettent le public dans des conditions "réalistes".

    Donc c'est très bien, après de là à cryogéniser...

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    1. Pour le côté "réaliste", c'est je pense dû aussi au grain de l'image. C'est tourné en Super16 je crois, du coup ça donne ce petit côté "film de vacances", mais tout en soignant la photo, l'éclairage, et la mise en scène (c'est pas blair witch non plus)

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