Sociologie 101 : les pauvres sont décoiffés
Plutôt désagréable ce dernier Dardenne.
Commençons par ce que je trouve réussi : une idée d'écriture simple. Alors que le film est une série d'entretiens entre son héroïne et chacun de ses collègues, pendant lesquels elle doit tenter de les convaincre, les Dardenne prennent le parti de donner plus d'importance à ce qui se passe entre ces moments. Le vrai combat, il a lieu là : se décider à combattre, gérer la déception, se relever, se décourager, etc... Quelques-uns de ces moments sont beaux.
Mais pour moi les Dardenne c'est la pudeur et le respect de l'"intelligence émotionnelle" du spectateur. Dans "Le Fils", c'était particulièrement le cas : les silences et les nuques(!) n'avaient jamais été aussi intenses. Malheureusement, ici, la nature même du scénario impose des tunnels de dialogues qui m'ont paru extrêmement artificiels (et répétitifs), et de surcroît assez mal joués. Je ne crois pas vraiment à cette histoire, non à cause de son postulat de départ évidemment imaginaire ( et dont je me tape de la vraisemblance ), mais plutôt à cause des dialogues et des acteurs.
La fameuse "caméra portée" des Dardenne ne capte plus grand chose ici, le dispositif devient extrêmement visible et artificiel. A l'inverse du but de la démarche donc.
Quant au personnage principal, il aurait fallu qu'elle nous intrigue plus, qu'elle soit aussi complexe que Rosetta (qui tapait avant de parler et semblait dénuée d'empathie), ou que le menuisier interprété par Olivier Gourmet (dont les intentions demeuraient un mystère pendant une grande partie du film). Ce film-là prend plus l'allure d'un chemin de croix assez pénible d'un personnage-prétexte, un personnage-outil d'une mécanique narrative, de surcroît assez pleurnichard.
Ce qui me met dans une situation que je n'aime guère : voir quelqu'un souffrir, se battre, et n'en avoir rien à foutre.
Je n'en retiens qu'une poignée de scènes, dont une, très belle en voiture, l'autoradio crachant du rock'n roll, un moment lumineux assez inattendu.
HOP : j'ajoute un lien vers un avis contraire : chez nagenocturne
HOP : j'ajoute un lien vers un avis contraire : chez nagenocturne
Médecine 101 pour le Viking: les dépressifs sont décoiffés... et pleurnichards.
RépondreSupprimerEvidemment c'est un Dardenne mineur, un "petit" film avec une idée simple. Je n'ai jamais été convaincu par ce Rongione, et là je l'ai pas trouvé bon. A sa décharge y'avait pas grand chose à faire de ce rôle falot. Et l'histoire est simplette.
Je m'y attendais, grâce à ta critique et d'autres, et donc j'ai pu laisser de côté ma déception pour me concentrer sur ce qu'il a de bon.
Et y'en a, du bon, quand même!
Ce challenge de répéter la même scène 16 fois en essayant de renouveler la forme, au delà de l'astuce de base, est plutôt réussi. En outre, cette répétition permet de concentrer l'attention du spectateur sur le reste, et c'est bien du reste dont veulent nous parler les frères: la lutte intérieure, les hauts et les bas de la motivation, le rôle de l'entourage, ... [bon là je viens de voir que c'est presqu'exactement ce que tu écris
Il y a aussi une symbolique qui pourrait paraître grossière, si elle n'était si fugitive : le clivage de générations entre le père et le fils sur les questions de solidarité, la façon dont le GRAND CAPITAL a tout intérêt à diviser les travailleurs pour mieux régner, ce qui est tout autant valable à l'échelle de la PME qu'à l'échelle mondiale.
L'absence de parti-pris, ou les parti-pris changeants, font aussi de ce film un vrai Dardenne : personne n'est monolithique ni jugé, à part peut-être ce Jean-Marc qu'on voit très tard, et le fils sus-cité. Chacun a ses failles, tous sont crédibles.
Enfin, comme tu l'écris, on se tape des passages très émouvants : l'amitié naissante dans la voiture (Gloooooria!), l'entraîneur de foot (quel acteur!) et ses remords, le mec qui se retrouverait dans la merde si elle gagnait mais qui le lui souhaite, la fin.
/////SPOILER/////
Belle fin où elle réalise que par cette épreuve et par son combat, elle a créé des liens nouveaux et plus forts avec certains, qu'elle a repris confiance en elle, et relativise la gravité de sa situation. Elle est guérie.
/////SPOILER/////
Bref, un Dardenne (très) mineur, ça reste quand même un très bon film je trouve.
Ben le problème avec l'aspect "critique du capitalisme", c'est que vu le "plot" du film n'est pas réaliste, ça tape pas bien fort. L'argumentaire est pas très recevable. Même si, oui, il y a ce final intéressant (un système dans lequel on prend forcément la place d'un autre).
SupprimerSur le "réalisme social" aussi, on s'en tape des saloperies je trouve, on se vautre quand même pas mal dans le cliché. Pour moi la greffe d'une pure "mécanique narrative", hollywoodienne, sur ce (faux) réalisme social (en fait très artificiel), ça échoue sur tous les tableaux.
Ce qui m'énerve aussi c'est ce chemin de croix du personnage principal, il n'y a aucun mystère, aucune complexité susceptible d'en faire un être humain. Les Dardenne veulent juste qu'on ait pitié d'elle, à grands coups de pathos. Il me semble que s'ils n'en étaient jamais loin dans Rosetta, ils parvenaient à éviter ça... Ce personnage c'était pas quelqu'un de parfait qui tend l'autre joue, elle tapait dès qu'elle pouvait.
Pour moi non, c'est pas un très bon film. Du tout.
Sur les Dardenne, je me permets de vous renvoyer ici :
RépondreSupprimerhttp://www.arte.tv/sites/fr/olivierpere/2014/06/08/deux-jours-une-nuit-de-jean-pierre-et-luc-dardenne/#disqus_thread
Réserves hélas confirmées par l'anodin "Gamin au vélo"...