True Grit, le match


Le match des versions, épisode 2 : Les deux versions de True Grit.


La jeune mais déterminée Mattie Ross travaille comme comptable dans le ranch de son père John. Celui-ci décide de partir acheter des poneys mustang à Fort Smith. Il est assassiné en cours de route par son contremaître Tom Chaney.
Mattie Ross entreprend alors de venger son père et engage à cette fin Rooster Cogburn, un shérif fédéral borgne qui a du cran (man with true grit, titre original du film), aux manières désinvoltes et expéditives, qui pourra s’introduire dans la réserve indienne où l’assassin a trouvé refuge.

True Grit, Henry Hathaway, 1969


Le film de Hathaway touche d'abord par sa fraîcheur, sa candeur, on vit cette aventure comme la vit son héroïne, plus amusée qu'effrayée par les gros durs un peu balourds qui l'entourent. Je trouve qu'il y a du souffle, quelque chose qui dès le début dans le village, donne envie de partir à l'aventure. Peut-être parce que le cadre laisse toujours la place pour le splendide décor alentour, ces montagnes qui souvent apparaissent en arrière-plan.
Le titre, la présence d'un John Wayne énorme et un peu cabotin, la mise en scène et la narration très classique, tout ça pourrait vite paraître un peu vieillot au premier abord. Mais même si on est devant un western "à l'ancienne", le film est surprenant par l'omniprésence de la mort (meurtre du père, pendaison, fusillades, poignards...), et une certaine violence parfois absurde. 
Définissez "badass". Vous avez un plan.

On se rend compte que c'est une fausse candeur qui habite le film, un plan sur le visage effaré de la jeune fille confrontée à la mort d'un homme par sa faute remet les pendules à l'heure. Une autre séquence typique de cette fausse candeur : une fin dans laquelle le héros saute par-dessus une barrière et s'en va, sur une musique héroïque. Mais la scène se situe... devant une tombe.
C'est dans cet équilibre, dans ce combat constat entre film très premier degré, bon enfant, et une noirceur un peu cachée, que le film est superbe (dit autrement : film de studio/film d'auteur)
C'est aussi parce que, s'il est question de courage dans le film, comme l'indique le titre, il est aussi question, de manière moins évidente, du prix de la vengeance.

True Grit, Joel et Ethan Coen, 2010

Affiche à la con, quand même non?

Le remake des frères Coen est très respectueux du film de Hathaway. Les différences sont très peu nombreuses, de subtiles variations qui, si elles donnent au film un ton assez personnel, peinent à justifier la démarche du remake.
Evidemment la mise en scène et la narration sont moins classiques, plus inventives, comme dans cette belle introduction, ou quelques ellipses ici ou là. Plus référentielle aussi, avec cette descente de train qui rappelle Il était une fois dans l'Ouest.
Un des parti-pris des Coen est de faire raconter l'histoire par le personnage de Mattie plus âgée, qui ouvre et conclut le film.
Le personnage de Rooster Cogburn est interprété par un très bon Jeff Bridges, qui dessine un personnage plus bavard, grommelant dans sa barbe des histoires inintéressantes avec un fort accent du Sud. 
Le ton du film est beaucoup moins premier degré, il y a un certain recul par rapport à ce qui est montré (il n'y a qu'à voir comment Matt Damon est grimé).


La Mattie des frères Coen est plus jeune et porte des tresses

Le film s'offre une petite incartade en territoire surréaliste le temps d'un épisode étrange qui mêle un pendu, un indien, et un dentiste à fourrure d'ours.
D'un côté on peut remercier les frères Coen d'avoir mis dans le cadre les Indiens que le film de Hathaway laissait complètement hors-champ de l'intrigue (on est pourtant en territoire indien!). Toutefois, ils n'en tirent pas grand chose d'intéressant, à part une certaine ironie sur le racisme de l'époque (la pendaison).

C'est surtout dans son épilogue que le film des Coen se distingue, un point final très amer et plein de regrets, d'une grande tristesse, nous montrant une Mattie assez aigrie.


Conclusion

Le remake des frères Coen a beau être un excellent film, je préfère l'original, rempli d'idées géniales et d'émotions simples, moins froid. On peut se poser aussi la question de l'intérêt de la démarche, tant les films sont proches (jusqu'aux lignes de dialogues identiques parfois). Je conseille en tous cas fortement les deux films.


1 commentaire :

  1. Ouais.
    Mais le mieux, le mieux du mieux, dans tout ça, c'est encore le bouquin de Charles Portis dont ces deux petits (l'un nettement plus petit que l'autre) films sont tirés.
    Et là, y a pas photo : chef d'œuvre !

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