Révélations, Michael Mann, 1999


Ce film de Michael Mann m'avait toujours repoussé. J'ai un rapport un peu étrange avec le cinéma de Mann : certaines scènes me collent des frissons partout, mais je ne suis jamais complètement emporté, je trouve ses films assez cons même parfois (la pirouette finale de Collateral), voire je m'ennuie carrément (Ali, Public Ennemies). Bon, j'aime beaucoup Heat, quand même.
Et donc, en lisant un peu le pitch de celui-ci (Le film est basé sur l'histoire réelle de Jeffrey Wigand, souhaitant dénoncer les pratiques d'un cigarettier), je n'étais pas du tout attiré, au premier abord. Je sentais venir le film-dossier super chiant, empêtré dans les "faits réels" relatés. 

Et en fait c'est carrément ça, mais c'est bien! C'est la première fois que j'ai eu l'impression que Mann était profondément touché par ce qu'il raconte. Alors qu'on pourrait s'attendre à un "thriller haletant", comme aiment à le dire les programmes télé, le film installe une ambiance extrêmement mélancolique et se place à l'échelle humaine. Cette mélancolie, elle est issue du constat que tire le cinéaste de cette affaire : dans ce pays qui déteste pourtant le mensonge, ceux qui veulent révéler la vérité sont virés, menacés, écrasés par une force sans visage : celle de l'argent. 


Le film de Mann est une réussite parce qu'il filme comme des héros la poignée de personnages qui luttent pour faire éclater la vérité. En leur donnant toutes les excuses pour flancher, il souligne leur courage de ne pas le faire. Il y a d'abord, bien sûr, cet "insider", viré de sa boîte pour avoir donné l'alerte, avoir agi en son âme et conscience, à qui on demande de perdre encore plus pour arriver à cette victoire symbolique.
L'ambiance dépressive du film sera extrêmement importante ici : en nous faisant ressentir la tristesse ressentie par ce personnage, Mann nous met à sa place. Ce qui oblige le spectateur à se demander : "Est-ce que je serais allé au bout?", le combat n'en est que plus poignant.
Entre parenthèses, c'est bien la première fois que je trouve Russell Crowe émouvant, je ne suis pas prêt d'oublier son regard.


Il y a aussi ce journaliste incarné par un très juste Al Pacino, combatif et réfléchi, qui devra aussi s'investir personnellement lorsque la puissance de l'argent viendra contaminer son travail. Cet épisode est aussi très réussi, exposant les points de vue du journaliste et de ses deux collègues face à la situation ( tous semblent respectables aux yeux du film ), obligeant là aussi le spectateur à se positionner.

En plus, Mann nous évite les interminables scènes de procès (souvent chiantes au cinéma). Il n'y en a qu'une ici, très courte, le temps d'une colère de l'avocat défendant le héros, court moment extrêmement poignant car il nous montre un homme pas seulement en train de "faire son travail", mais réellement engagé dans cette affaire. 

En plus il est joué par le mec qui joue Jack Dalton dans MacGyver! Bonus.

Le film se permet aussi quelques belles envolées formelles, comme cette partie de golf de nuit contenant quelques belles idées de mise en scène : elle s'ouvre comme un ciel étoilé, puis on constate en fait qu'il s'agit de balles éclairées sur un green. Et il y a ce glissement du léger doute vers la paranoïa totale. Cette séquence est indéniablement réussie.



C'est donc un beau film classique, auquel je reproche seulement ses choix musicaux (c'est souvent le cas chez Mann). Ici par moment l'espèce de daubasse "world music" devient assez envahissante, c'est dommage. Mais on n'est pas prêt d'oublier ces personnages.

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