Foxcatcher, Benett Miller, 2015


Le film de Miller, quoiqu'un peu froid, est passionnant et assez insaisissable, mystérieux car tout en se basant sur la psychologie de ses trois personnages principaux, il n'en explicite que très peu la complexité, ces trois personnages étant tout en intériorité.

Il y a d'abord ces frères, dont la relation est superbement résumée par une des premières séquences qui les unit : une séquence de lutte, dans laquelle l'échauffement et les prises tiennent lieu d'accolade, de témoignage d'affection, jusqu'à ce que la situation se tende et tourne à l'affrontement. Non seulement Miller se montre doué pour rendre ce sport beau (ce qui n'est à mon avis pas gagné), mais il parvient à travers ce court moment à nous décrire ses deux personnages à travers leurs corps, et leur manière de s'en servir. Mark Ruffalo est comme souvent impressionnant, troquant son habituelle féminité, pour quelque chose de beaucoup plus simiesque, le buste voûté sur ses grands bras. Quant à Tatum, il est également très bien, enfant de 10 ans prisonnier dans un corps massif, presque grotesque (quand il sautille sur le tank que vient d'acheter Du Pont par exemple).



Et puis il y a le riche Du Pont. Le personnage rappelle par certains côtés le personnage de gourou interprété par Philip Seymour Hoffman dans le déroutant The Master, notamment lorsqu'il fait répéter à son protégé la litanie absurde le décrivant : "ornithologist, philatélist, philantropist". Mais plus encore que dans le film de Paul Thomas Anderson, c'est la dualité comico-horrifique de sa folie qui nourrit l'interprétation géniale de Steve Carell. Le caractère aléatoire de ce personnage se résume à une des premières phrases qu'il prononce : "I'm an ornithologist, but overall I'm a patriot.". Le trésor que fournit Carell au film, c'est ce comique détraqué (pas de gags, pas de chute), son visage d'oiseau à la fois grotesque et effrayant, ses postures étranges. Mais c'est aussi une tristesse infinie qui se lit sur son visage ou dans ses actes détraqués.


On peut lire aussi le film comme un portrait de l'Amérique de Reagan à travers le patriotisme fou de Du Pont, cette obsession de la réussite et des flingues, cette folie qui n'est pas analysée comme telle par l'entourage de Du Pont. Les responsables de l'équipe olympique de lutte la confient à ce fou en échange de centaines de milliers de dollars... Et le film se termine sur ces cris : "U.S.A! U.S.A!". 

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