Pique-nique à Hanging Rock, Peter Weir, 1975


"En 1900, en Australie, les élèves d'une école privée pour jeunes filles partent en pique-nique au pied d'un immense rocher ayant été un lieu de culte aborigène", nous dit Wikipedia.

Oh mais qu'il est bizarre ce film de Peter Weird ( hahaha ).
Non mais au-delà de la blague, oui c'est un film étrange et énigmatique.
Le film annonce d'emblée cette étrangeté. On pense à l'oeuvre future de Lynch lorsqu'une des filles allongée lascivement, déclame "What we see or what we seem are but a dream, a dream within a dream". 

Nous sommes dans une ambiance ouatée, et Peter Weir n'hésite pas à souligner la candeur et la pureté de ces jeunes filles, toujours sur le fil du rasoir, à la limite du kitsch (Lynch encore?). Il a beau évoquer l'éveil de la sexualité chez les filles, tout est délicat et subtil. Et pourtant Weir utilise des procédés de cinéma bis : une photographie cotonneuse, des ralentis et une musique toujours à la limite de la mièvrerie. 


Et puis il y a ce rocher. La mise en scène en fait un lieu mythique, un véritable personnage du film, inquiétant et "vivant". Là aussi, la mise en scène surprend en puisant dans une grammaire plutôt réservée au cinéma d'horreur : effets sonores extradiégétiques stridents et zooms rappellent Dario Argento.

Argento again! Enfin il me semble

Via les aller-retour entre les deux lieux : le pensionnat et "hanging rock", la mise en scène de Peter Weir délimite deux mondes qui s'opposent. Au premier abord évidemment, le rocher (avec son nom qui évoque la pendaison), est un lieu effrayant et dangereux. Pourtant, les filles y paraissent apaisées et libres. 
Au fur et à mesure que le film avance, c'est le pensionnat qui montre son vrai visage : un lieu dans lequel toute tentative d'épanouissement est réprimée, un cocon surprotecteur essayant de bloquer ces filles dans le monde de l'enfance.
Le film oppose ces deux mondes, l'un rigide comme un corset, l'autre dans lequel les filles marchent pieds nus, s'étendent lascivement et se baignent sous le regard gourmand de jeunes garçons éperdus. En liant ainsi le danger et la mort avec la sortie de l'enfance, le film m'évoque Suspiria ( et probablement la plupart des giallo, mais je ne connais que peu ce genre )

Bon, ok, la symbolique est par moments un peu appuyée... Mais c'est beau!

Autant le dire : le film restera énigmatique, et c'est ce qui le rend passionnant, tant les différentes pistes qu'il ouvre sont intéressantes.
C'est un hybride étrange que voilà : c'est un peu la délicatesse et la pudeur d'un James Ivory (j'ai pensé aux Vestiges du Jour, j'ignore pourquoi!) et les effets baroques d'un Argento cohabitant dans un même film cohérent, il y a de quoi être surpris.

Et pour finir, ceux qui ont aimé le premier film de Sofia Coppola, Virgin Suicides, devraient vraiment jeter un oeil à celui-ci, tant il m'en paraît extrêmement inspiré. 

10 commentaires :

  1. Wé sacré film, ils l'avaient passé au diago il y a quelques années. The Last Wave aussi c'est vraiment pas mal de Peter Weir.
    Et t'as vu dans Picnic... il y a John Jarratt dans le rôle du valet, l'acteur qui jouera le tueur psychopathe de Wolf Creek ! hehe

    C'soir on a regardé The Lords of Salem de Rob Zombie, c'est pas mal, un peu trop atmosphérique. Je préfère ces deux premiers, j'ai pas vu ses 2 Halloween.

    Pour Pendant les travaux... wé c'est dommage, peut-être une formule tous les deux semaines serait pas mal, histoire qu'il puisse faire autre chose le Thoret, des bouquins et co ! hehe

    Faut qu'on se capte!

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  2. Ah tiens j'ai pas vu Wolf Creek, c'est bien?

    J'aimerais bien voir ce que Rob Zombie a fait d'Halloween tiens, j'ajoute tout ça à ma liste...

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  3. Wolf Creek oué c'est efficace ! Tu compareras mieux que moi avec les classiques du genre mais je pense que ça vaut le coup d'oeil.

    Tu vas aller voir le dernier Terry Gilliam : Zero Theorem ? Hum ça a l'air d'un kitch moins séduisant qu'à l'accoutumée mais à tester !

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  4. Peut-être que j'irai mais ça fait longtemps que j'ai pas aimé vraiment un film de Giliam.

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  5. Un petit miracle sur le fil du rasoir que ce film. On risque à chaque pied nu flou posé dans l'herbe de se vautrer dans le kitsch, le cucu, mais non. C'est beau, c'est attendrissant, mystérieux jusque dans la réussite d'un projet très risqué.

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  6. Bof. Un poil une escroquerie, ce film. On reste sur sa faim. Quid des disparues ? Un peu genre David Hamilton aussi, avec leurs robes et leurs ombrelles, et les ralentis, et toute cette gélatine sur l'objectif à friser l'indigestion, on dirait un vieux télé-film anglais des années 80... .
    Heureusement qu'il a (bien) évolué, le Peter Weir. Devenu plus solide avec les ans, moins cucul, moins chichiteux. Plus de style, quoi.

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  7. C'est vrai que ça ressemble à l'esthétique des années 80. Mais en 1975, je le mets plutôt au crédit de Weir.
    A part ça je le connais peu : le cercle des poètes qui m'avait plu ado mais que je pense au moins aussi cucul, et the Truman Show que j'aime beaucoup.

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  8. @Roy Bean : Une escroquerie, rien que ça.
    Roy Bean, c'est la loi à l'Ouest du Pecos.
    A l'Ouest tu l'es sans aucun doute, quant aux pecos, faut que t'arrêtes.
    :D

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    1. Il dit "un poil une escroquerie"...Ben même si j'aime pas trop le terme, je vois ce que veut dire Roy Bean, Weir nous tient au début avec ce mystère et puis hop-là, ni-vu-ni-connu, il fait sortir un lapin de son chapeau et nous embrouille sans le résoudre vraiment. Ca ne me dérange pas vraiment à vrai dire, même que j'aime plutôt ça.

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    2. Ben, faut pas t'emporter comme ça, Bâtard de Gauche ! J'aime beaucoup Peter Weir. Tiens, "Master et Commander" est un de mes films préférés. Tu vois.
      Mais pour son "Picnic", sorry, mais il a pas sorti ses meilleurs sandwiches !
      On va dire qu'après, il a commencé à avoir de la bouteille... Du coup, c'est devenu plus digeste.
      (Bravo , je vois que le Juge Roi du Haricot n'a pas de secret pour toi...)

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